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Réhabilitation & Boxe Thaïlandaise par Anthony Baptiste
Récemment, je me suis occupé d’un jeune et talentueux boxeur (pied/poing), Manuel « Tino » Vuillamy, au palmarès impressionnant, membre de l’équipe de France, champion de France 2014.
Quand on s’est rencontré, il revenait des championnats du monde juniors (IMFA) en Malaisie.
On a démarré par une série de tests pour me donner une idée sur le travail subséquent. L’élément essentiel qui m’a permis de façonner les programmes à venir fut la combinaison "instabilité/déficit de force/déséquilibre musculaire"
Je me suis toujours passionné par la réhabilitation, je travaille en étroite collaboration avec un kinésithérapeute ostéopathe qui m’apporte une aide précieuse sur le fonctionnement du corps humain, et me permet de résoudre des problèmes correctifs ou de mettre en place une stratégie efficace pour l’athlète.
Nous échangeons et travaillons ensemble sur un « protocole correctif des adaptations compensatoires ». Ses argumentations sur ma programmation sont importantes, car elles décideront si oui ou non je peux faire évoluer l’athlète.
Il me semble plus évident de travailler sur des mouvements « primitifs » (bilatéral/unilatéral) comme la triple flexion, la triple extension, monter, pousser, etc. pour établir un bilan, car ce sont des mouvements naturellement programmés depuis la naissance. Les années passées ont donné lieu à certaines compensations. L’idée est de ne pas changer sa technique, mais de l’adapter à sa biomécanique.
Dans son adaptation sportive, en plus de l’approche personnelle, ça me permet d’avoir une ligne directrice sur le travail à venir, surtout avant de proposer des séances plus axées « force explosive », facteurs nerveux, RFD, strongman adapté, que je trouve très intéressantes sur le travail du corps à corps (braced flexion/extension, mouvement sous tension)
Le but est d’avoir une base solide, un socle stable, une préparation "ostéo-ligamentaire" et "musculo-tendineuse" - la fondation même ! - pour pouvoir continuer dans une logique de progressivité tout en gardant l’aspect dit « fonctionnel » dans un but d’optimisation de la performance sportive spécifique et adaptée à la boxe thaïlandaise, sans oublier l’aspect préventif qui est de respecter l’intégrité physique de l’athlète avant tout.
On passe par une batterie de tests, chaque coach a son propre concept, sa propre vision de l’approche prophylactique.
L’approche articulaire de Gray Cook et Mike Boyle démontre un processus qui est simple :
- Manque de mobilité au niveau de la cheville, ressent des douleurs au genou
- Manque de mobilité au niveau de la hanche, se traduit par lombalgie
- Manque de mobilité au niveau thoracique, en résulte des douleurs au cou et de l'épaule ou lombalgies
Très mobile des hanches/épaules/thorax, raide des chevilles et pas assez stable au niveau du genou. L’approche articulaire de Mike Boyle et Gray Cook, adaptée en boxe thaïlandaise :
| ARTICULATIONS | BESOINS PRIMAIRES |
|---|---|
| CHEVILLE | MOBILITÉ |
| GENOUX | STABILITÉ |
| HANCHE | MOBILITÉ |
| COLONNE LOMBAIRE | STABILITÉ |
| COLONNE THORACIQUE | MOBILITÉ |
| OMOPLATE | STABILITÉ |
| EPAULE | MOBILITÉ |
Par exemple dans la batterie d’exercices tests des mouvements fonctionnels (FMS), un exercice que j’utilise et que j’affectionne grandement est le « roi » des mouvements. Glorifié par les uns, détesté par les autres, il peut être d’une aide précieuse comme être un pire cauchemar: il s’agit du « squat ».
C’est un mouvement d’accroupissement au sol utilisé principalement par les powerlifters ou haltérophiles…et par nos ancêtres d’une manière plus naturelle, avant même l’origine de la civilisation...
C’est fabuleux comment cet exercice peut nous dire beaucoup de choses sur notre corps, nos faiblesses, nos compensations.
Par exemple un des exercices que j’utilise lors d’une évaluation est un dérivé du squat c’est la flexion d'arraché, c'est-à-dire un squat avec barre au-dessus de la tête (bras tendu, bâton ou barre au-dessus de la tête), il agit sur les 3 plans anatomiques du mouvement, ce qui me donne une idée des muscles qui sont en déséquilibre.
| PLANS | MOUVEMENTS | COMPENSATIONS |
|---|---|---|
| Plan Sagital | Flexion/Extension | Arrondir bas du dos, Flexion des genoux excessive, etc
|
| Plan Frontal | Adduction/Abduction, Inversion / Eversion | Effondrement du pied, etc
|
| Plan Transversal | Rotation Interne/Externe | Rotation buste, Asymétrie, etc
|
Il ne s’agit pas de dire si oui ou non il a un squat qui rentre dans le moule mais de voir ce qui ne va pas pour adapter sa biomécanique au mouvement et éviter les éventuelles blessures.
On en vient à « identifier » son propre squat
Attention : « Genoux ne dépassant pas la pointe des pieds »
Consigne répandue dans les salles de musculation avec une interdiction formelle des genoux qui ne doivent pas dépasser la pointe des pieds.
C’est vrai dans l’apprentissage pour visualiser/ressentir la flexion de hanche, cette consigne aide, mais justement à ne pas avoir un squat en flexion de genoux mais bien en flexion de hanche.
Maintenant si on cherche un travail en profondeur, qui vise à descendre le plus bas possible, il en résulte que les genoux dépassent naturellement l’axe de la perpendiculaire de la pointe des pieds.
Quel Coach ira dire à Lu Xiaojun ou à Hiu Liao que son squat n’est pas bon ??? Parce que ses genoux dépassent la perpendiculaire du bout des pieds ??
A ce propos, Emmanuel Legeard, qui s’occupe entre autres d’athlètes olympiques, a écrit dans sa préface à L'Haltérophilie au service de la performance sportive(ed. Amphora):
« Se renforcer et s'assouplir par la pratique du squat représente une initiative intéressante, mais là encore la prudence s'impose, et certaines recommandations "d'autorité" concernant le squat devront être sérieusement révisées, comme celle, arbitraire, irréaliste et dangereuse, exigeant que les genoux ne dépassent pas la pointe des pieds dans la flexion. Au squat haltérophile, il est impossible que les genoux ne dépassent pas la pointe des pieds sans compromettre dangereusement le mouvement. En effet, il faut que la verticale passant par le centre de gravité de la barre tombe au milieu du polygone de sustentation, sans quoi – pour éviter de tomber à la renverse, étant donné que le tronc est proche de la verticale – la hanche doit assumer un travail extraordinaire et extraordinairement dangereux. »
Cela veut dire que j’ai un mauvais squat ?
Non !! Mais comme dirait Marc Vouillot, «Les mouvements olympiques ne pardonnent pas la médiocrité ! »
Un squat olympique, buste droit, le plus bas possible en plus d’une technique irréprochable, demande des qualités de souplesse, de mobilité, de stabilité absolue pour être à l'aise dans cette position pour le moins inconfortable.
Ce qui demande une technique irréprochable et un grand travail d’étirement et de mobilité très souvent méprisé ou oublié.
C’est aussi grâce à toutes ces énumérations que cet exercice à vide ou avec bâton ou avec charge additionnelle permet de révéler beaucoup d’informations sur l’athlète.
Le squat profond bras tendus, avec bâton ou avec barre au-dessus de la tête est un des exercices d’évaluation, il n’est pas l’unique exercice mais permet déjà de donner bon nombre d’informations.
Le protocole correctif se déroule de cette façon :
1ere Etape : Le travail de mobilité
2eme Etape : Le travail de souplesse
3eme Etape : Le travail d’isolation
4eme Etape : Le travail d’intégration
Un pur bonheur de travailler avec ce jeune dont on va se souvenir, très technique, dur au mal et passionné.
L’élément principal à résoudre est sa faiblesse du membre inferieur droit, impossible d’être en appuis dessus, ou d’encaisser un coup.
Une faiblesse le rendant moins confiant.
Nous avons travaillé cinq jours sur sept, sur des exercices de relâchement musculaire aux endroits clefs, et surtout isolé certains muscles faibles pour finir sur des exercices intégrés de musculation complexe.
Au bout de deux semaines j’ai pu constater une nette amélioration de sa stabilité sur du travail bilatéral et/ou unilatéral, et un des indices les plus marquants est que l’entraîneur m'a confirmé que l’athlète avait une meilleure frappe (ressentie sur le travail aux pattes d’ours), car son socle était plus puissant, plus stable, et surtout - l’élément principal - que la confiance était retrouvée avec un exercice significatif, et qu’il ne pouvait pas faire en début de préparation: le travail avec partenaire de changement de direction unipodal avec saisie.
Pour conclure, le but de cette approche qui se veut « préventive » n’est pas de prendre la place d’un médecin, ou d’un kinésithérapeute, mais d’apporter une aide pour le coach, de donner une ligne directrice sur la préparation à adopter, une base solide sur laquelle on peut s’appuyer, et pour l’athlète ces petits éléments qui mis bout à bout font la différence tant sur le plan physique que psychologique.
Strong & Durable
REMERCIEMENTS :
CREPS de Montpellier
Emmanuel Legeard
Marc Vouillot, Coach des Coachs
Bruno Parietti, Chef de Formation.
Jeremy Miahle Coach sportif, Préparateur physique, CF-L1, Champion de France Strongman -105
Jordane Morand Coach sportif, Préparateur physique, CF-L1 & Powerlifting Trainer, BE 1 Athlétisme.
Seb Hardouin Coach sportif, Préparateur physique, CF-L1, TRX & vipR Trainer.
Brice Batchaya Ketchanke, Halterophile 14eme aux J.O de Beijing -85kg. (TO :333kg)
Christophe Errera, Coach & entraineur
Mehdi Berisha, Entraineur
Manuel « TINO » Vuillamy, Champion de France, équipe de France de MT
Revue Scientifique de Préparation Physique, 2014, Vol. 1, N°1, pp. 13-17
ISSN 2297-234X
